LIVRE DE LA SEMAINE — « Benoît XVI, dernières conversations »


Notre huitième livre de la semaine,  Benoît XVI, dernières conversations, publié en 2016 sous la forme d’un entretien entre Peter Seewald et Benoît XVI, s’intéresse au pontificat exceptionnel de celui qui, pour la première fois, a choisi de renoncé.


Le journaliste allemand Peter Seewald, au parcours religieux et intellectuel quelque peu chaotique, avait déjà eu l’honneur d’interroger plusieurs fois Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI. Dans ce nouveau livre d’entretien, assez conventionnel voire banal par les questions posées et les thèmes abordés, nous revisitons le parcours du Pape émérite, de son enfance à sa retraite. L’impression générale qui ressort, après la lecture de ces conversations joséphiennes, est le caractère incomplet du livre, qui renvoie d’une certaine manière, et qu’on le veuille ou non, à la renonciation de Benoit XVI.

Pour ceux qui ont déjà lu les précédents entretiens réalisés par Seewald avec l’ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine la foi, ils n’apprendront pas grand-chose. En effet, nous trouvons peu de nouveautés et d’éléments inédits, ni de révélations fracassantes, au grand dam d’une certaine presse.

Le journaliste ne semble pas avoir le niveau, et c’est le moins que nous puissions dire, pour se hisser à la hauteur de son invité, lui qui occupa pendant plus de trente ans les deux plus hautes fonctions de la plus vieille institution religieuse au monde. En effet, il interroge le Pape émérite sur des sujets qu’ils avaient déjà abordés ensemble : son enfance, son expérience de professeur, d’archevêque de Munich, de Préfet, etc.

En lisant les pages avec une concentration active, nous nous attendions à plus, mais trop de questions sont restées dans l’anecdotique. Il est dommage pour un homme de l’envergure intellectuelle de Ratzinger de se voir soumis à des questions aussi peu dignes de lui et des postes qu’il a occupés.

Ceci étant dit, certains propos méritent d’être cités. À la question posée sur la volonté de Benoît XVI de restaurer certaines traditions, comme le port de la mosette ou la communion directement sur la langue, qui sont vues par certains comme « un retour des rites liturgiques du passé », voici sa réponse :

« Je me réjouis de la réforme conciliaire dans les domaines où elle a été adoptée sincèrement et correctement, sans être dénaturée. Cependant, on a aussi assisté à beaucoup d’extravagances et de destructions auxquelles il fallait mettre fin. »

Toutefois, ces extravagances ne prennent pas fin avec son pontificat, mais c’est déjà beaucoup de reconnaître qu’elles existent. Au sujet de la Sainte messe, nous trouvons une pensée qui mérite d’être citée :

« Il ne faut pas croire qu’il existe désormais une autre messe. Ce sont deux manières de l’interpréter rituellement, qui s’inscrivent cependant dans un unique rite fondamental. J’ai toujours dit, et continue à dire, qu’il était important de ne pas interdire brutalement et intégralement la dimension la plus sacrée de l’Église autrefois pour les hommes. Une société qui interdit ce qu’elle a longtemps considéré comme son noyau même, c’est impossible. Je n’ai donc pas répondu à des motifs tactiques ni Dieu sait quoi, j’ai cherché la réconciliation interne de l’Église avec elle-même. »

Ratzinger rappelle la manière dont il voulait incarner le rôle du pape : « J’ai surtout cherché à être un berger. » Pourtant quand le troupeau est dispersé, il faut savoir taper du point sur la table afin de ramener les brebis égarées. À ce sujet, nous avons été fort surpris de lire l’échange suivant, qui commence par une interrogation du journaliste :

« — Seewald : On s’imagine que le pape a les pleins pouvoirs, qu’il peut faire preuve d’autorité.

— Ratzinger : Non.

— Seewald : Ce n’est pas possible.

— Ratzinger : Non, cela ne l’est pas. »

Est-ce un aveu de faiblesse ? Est-ce la conscience du désordre inouï qui règne dans l’Église, la volonté de ne pas amplifier les problèmes ? Nul ne le sait.

Il est cependant étonnant, pour ne pas dire plus, de constater qu’un homme revêtu de la plus haute autorité et juridiction sur les hommes, n’en fasse pas usage. Toutefois laissons-le parler pour mieux comprendre son attitude : « Ma faiblesse réside peut-être dans le manque de volonté de gouverner et de prendre des décisions ». Il poursuit :

« Le gouvernement pratique n’est pas mon point fort, ce qui est certainement une faiblesse. Mais je ne le vois pas comme un échec. Pendant huit ans, j’ai fait ma part de service. »

De même, à la question posée sur les théologiens que le pape émérite apprécie le plus, les deux noms cités en étonneront plus d’un. Lui qui évoque la réconciliation avec tout le passé de l’Église et l’importance de ne pas se couper avec la tradition, cite deux personnes qui par leur position ont exprimé tout le contraire, à savoir : Hans von Balthasar et Henri Sonier de Lubac. Ratzinger n’esquive aucun sujet et répond aux questions sur le lobby gay au Vatican : « Effectivement, on m’a indiqué un groupe que, dans l’intervalle, nous avons dissous. », et il précise :

[C’était] « un petit groupe de quatre, peut-être cinq personnes. Nous l’avons dissous. S’est-il reformé autrement ? Je ne sais pas. Cependant, le Vatican ne foisonne pas de cas similaires. »

Au fil des pages, l’on comprend aisément que la charge de pape est très difficile à porter, pour cet homme qui se voyait avant tout comme un professeur discret et efficace. Il est sans cesse attaqué, critiqué, mais il essaie d’accomplir du mieux qu’il put la mission lui étant confiée. Il est maintenant âgé de quatre-vingt dix ans, et attend sereinement la mort :

« Il faut admettre la finitude de cette vie et se mettre en chemin pour rejoindre la présence de Dieu. J’essaie de toujours penser que la fin approche. Je suis en train de me préparer à ce moment-là et, surtout, de toujours le garder à l’esprit. L’important n’est pas de se l’imaginer, mais de vivre en sachant que toute vie tend à cette rencontre. »

En guise de conclusion, il est vital d’énoncer les fondamentaux. À la question posée sur comment a-t-il trouvé sa devise « Le collaborateur de la vérité », il rappelle que cette formule se trouve dans la Troisième Épitre de Saint-Jean. Il insiste :

« Cela fait trop longtemps qu’on met la vérité entre parenthèses, parce qu’elle paraît trop grande. Personne n’ose affirmer : nous détenons la vérité. »

— Franck ABED

  • RATZINGER (Joseph), SEEWALD (Peter). Benoît XVI, dernières conversations. Paris, Fayard, 288 p., 2016

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