NOTE — Le procès de Marie-Antoinette


À la suite de notre chronique littéraire, retrouvez dès à présent nos notes de lecture de l’ouvrage « Juger la reine », par Emmanuel de Waresquiel, ainsi que quelques extraits marquants.


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Précisions sur l’auteur

Né en 1957 Emmanuel de Waresquiel est un ancien élève de l’École normale supérieure (ENS). Docteur en histoire, il est professeur à l’École pratique des hautes études (EPHE).

En amont de ce récit du procès de Marie-Antoinette, Waresquiel est l’auteur de nombreuses biographies sur des figures politiques des XVIIIe et XIXe siècle : Talleyrand, le prince immobile (2006), Fouché, les silences de la pieuvre (2014)…

► Un précédent : l’exécution de Louis XVI

Le procès de Marie-Antoinette s’inscrit naturellement dans le contexte de la Révolution française et, en particulier, de l’année où celle-ci devient la plus radicale, 1793-1794, et l’épisode de la Terreur, époque à laquelle la toute jeune république est dirigée fermement par un petit collège de révolutionnaires avancés, membres des Jacobins. Il y a là Georges Danton (1759-1794), Camille Desmoulins (1760-1794), Jean-Paul Marat (1743-1793) et Maximilien Robespierre (1758-1794), pour les principaux, grandes figures de la Révolution, dont la plupart sont membres du Comité de salut public, l’autorité exécutive de la jeune République française.

Comme environ quatre cents conventionnels, le 15 janvier 1793, tous ces hommes votent la mort de l’ancien roi, Louis XVI. Ils répondant en cela favorablement lorsque le jury leur demande s’il est « coupable de conspiration contre la liberté publique, et d’attentats contre la sûreté générale de l’État« .

Le 21 janvier, Louis est guillotiné à Paris. Se pose alors comme y renvoie le titre de cet ouvrage, la question de « juger la reine » : le procès de Marie-Antoinette.

► Marie-Antoinette devant le Tribunal révolutionnaire

Dans son Histoire de France, publiée en 1924, Jacques Bainville (1879-1936), connu pour son monarchisme d’Action française, traite l’exécution de Marie-Antoinette, consécutive à son procès, sans s’y attarder : « le procès des Girondins, auteurs conscients et volontaires de la guerre à l’Autriche et à l’Empire, coïncida avec l’exécution de Marie-Antoinette, « l’Autrichienne ». » Pour autant, l’événement est d’ampleur, et confirme la volonté des révolutionnaires de faire table rase du passé monarchique de la France.

Robespierre semble être le premier à réclamer, même implicitement, un procès pour l’ancienne reine. Le 27 mars 1793, à la tribune de la Convention nationale, il fait un discours à ce titre :

« La punition d’un tyran, obtenue après tant de débats odieux sera-t-elle donc le seul hommage que nous ayons rendu à la liberté et à l’égalité ? Souffrirons-nous qu’un être non moins coupable non moins accusé par la Nation, et que l’on a ménagé jusqu’ici comme par un reste de superstition pour la royauté […] attende tranquillement ici le fruit de ses crimes ? »

C’est, en filigrane, la figure de Marie-Antoinette qui est évoquée. L’ancienne reine y est mentionnée comme une criminelle, ce qui est conforme à l’opinion de beaucoup de conventionnels.

Le 13 août, Laurent Lecointre (1742-1805), député montagnard de Seine-et-Oise, réclame à la Convention que Marie-Antoinette soit jugée sous huitaine. Mais le procès est repoussé de plusieurs semaines. Le 3 octobre, Jacques-Nicolas Billaud-Varenne (1756-1819), député montagnard de Seine, reformule la demande devant la Convention, aspirant à un jugement devant le Tribunal révolutionnaire. Le surlendemain, la Convention vote un décret, qui ordonne que « le Tribunal révolutionnaire s’occupera sans délai et sans interruption du jugement de la veuve Capet« .

Marie-Antoinette n’est interrogée qu’à partir du 12 octobre. Elle est entourée par deux gendarmes et un huissier. Puis, elle rencontre celui qui sera l’accusateur public : Antoine Fouquier-Tinville (1746-1795). Amenée devant le tribunal le 14, elle décline son identité au président, Martial Herman.

Deux avocats lui sont commis d’office : Claude Chauveau-Lagarde (1756-1841), réputé proche des Girondins, et Guillaume Tronsson du Coudray (1750-1798), plus proche de la minorité royaliste de la Convention. L’acte d’accusation contre elle relève des faits connus, que sont sa présence au banquet des gardes du corps dans l’Orangerie de Versailles, des pourparlers avec des femmes de l’aristocratie et des cours étrangères, notamment, ainsi que son attitude durant la prise des Tuileries.

Un premier témoin, le journaliste Jacques-René Hébert (1757-1794), est très sévère avec Marie-Antoinette. Dans son Histoire des Montagnards, publiée en 1847, Alphonse Esquiros lui-même — pourtant peu suspect de royalisme — évoque ce témoignage comme étant d’une grande dureté, pire que la condamnation à venir :

« Plus cruelle mille fois que la peine de mort, fut la calomnie portée par cet homme contre Marie-Antoinette. Le dauphin, âgé de huit ans, dépérissant de jour en jour, Simon, son gardien, un cordonnier, l’aurait surpris se livrant à un acte honteux, et l’enfant aurait avoué qu’il devait cette funeste habitude à sa mère et à sa tante. Cette déclaration avait été renouvelée par lui en présence du maire de Paris et du procureur de la Commune. Ici, [il y a ] de cyniques détails, que la plume se refuse à transcrire. »

La réponse de l’accusée, très connue, affirme que « la Nature se révolte devant une telle supposition«  et « en appelle à toutes les mères« . Robespierre lui-même paraît alors s’indigner de la déclaration faite par Hébert.

Quant aux autres témoins, ils se voient opposer des dénégations, de même que le président Herman. On reproche à l’ancienne reine y compris des faits insignifiants, dont un portrait d’elle réalisé par Goëstier, un peintre polonais, durant son séjour au Temple, et qui est perçu comme une manière d’obtenir des nouvelles de la Contre-Révolution.

Le 16, à quatre heures et demie, le jugement est prononcé. C’est la mort, par guillotine. Marie-Antoinette semble ne manifester aucune émotion. On la conduit alors au cabinet des condamnés à mort de la Conciergerie. Les sections de la Commune de Paris sont appelées en renfort à cinq heures.

Marie-Antoinette sort de la Conciergerie à onze heures, « en déshabillé de piqué blanc« , indique Esquiros, conduite dans une charrette, comme il est d’usage pour les condamnés. Un prêtre constitutionnel l’accompagne. Le couperet tombe à midi et quart.

► Une mort noyée dans le sang des autres

Paradoxalement, la mort de l’ancienne reine affecte peu les Français. En effet, le Tribunal révolutionnaire juge alors à un rythme soutenu, et prononce désormais la plupart du temps la mort. L’heure, par exemple, est à la condamnation des Girondins, ennemis des Jacobins.

Ainsi, la mort de Marie-Antoinette précède de peu celle de la mort du meneur des Girondins : Jacques-Pierre Brissot. Celui-ci, proscrit comme tous ses compagnons par la Convention, le 31 mai, parvient  à s’enfuir. Mais, reconnu à Moulins, il est arrêté, jugé, et exécuté, le 31 octobre, avec vingt-et-un de ses camarades.

Ce contexte de radicalisation de la Révolution, rendu à son extrême sous la Terreur et, en particulier, l’élimination physique des Girondins, concourt naturellement à relativiser l’importance du jugement de la reine, et son exécution, dans l’opinion populaire de l’époque. Comparativement, le procès de Louis XVI apparaît comme un événement historique plus important, qui suscite de longs débats (trois semaines) et donc le verdict, sur le fil, nourrit abondamment les chroniques. Il incarne en soi le grand procès de la Révolution : juger le roi, soit le procès de mille ans de monarchie.

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