NOTE — Histoire de la Yougoslavie (1919-2003)

À la suite de notre émission État disparu, retrouvez dès à présent notre note historique sur la Yougoslavie. Né de la Première guerre mondiale, ce pays disparaît à la fin de la guerre froide.


► Une naissance des suites de la Grande guerre

Le nom de Yougoslavie dérive du serbo-croate Jugoslavi, mot signifiant « Pays des Slaves du Sud« , ce qui est bien le cas, dans ses naturelles fédérales successives, de monarchie puis de république. Si ce pays est directement issu de la défaite austro-hongroise de 1918 face aux Alliés (Français, Britanniques et Américains), il ne prend son nom de Yougoslavie qu’à partir de 1923.

Il s’agit de l’État balkanique le plus étendu de l’Histoire. La Yougoslavie est issu du mouvement illyrianiste, lequel se fait jour à partir du début du XIXe siècle, et promeut l’union des peuples slaves de l’Europe méridionale. Cette union, facilitée — et précipitée — donc par l’effondrement de l’Empire austro-hongrois, est à l’initiative de la Serbie, puissance alliée, victorieuse, qui concrétise alors la dynamique.

Mais dès avant la défaite austro-hongroise, cette marche à l’union se met en place, en 1917, par la Déclaration de Corfou. Celle-ci est émise par un Comité yougoslave en exil, et le gouvernement serbe lui-même en exil. Le texte affirme comme une nécessité le besoin d’une nation unie qui regroupe les Serbes, les Slovènes et les Croates, dirigée par la famille Karageorges (Karageorgévitch) dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle et parlementaire.

Le 23 novembre 1918, un congrès national yougoslave se tint à Zagreb, qui proclame l’unité territoriale des Slovènes, des Croates, des Serbes et des Monténégrins. Le 1er décembre, un royaume commun est créé.

Cette nouvelle entité est le royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, effectivement dirigé par un Karageorges : Pierre Ier (1844-1921). Les frontières sont fixées les deux années suivantes par les traités successifs de Neuilly, de Saint-Germain et du Trianon.

► Le règne d’Alexandre Ier

En 1921, Alexandre Ier (1888-1934) prend le trône, après deux années de régence. Le Serbe Nikola Pachitch (1845-1926), ancien maire de Belgrade, est nommé Premier ministre. C’est sous son gouvernement qu’en juin est édictée la constitution du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes.

Toute jeune puissance, la Yougoslavie conclut divers traités d’amitié, à partir de 1927, d’abord avec la France, puis avec la Bulgarie. Le royaume est renommé Yougoslavie, deux ans plus tard.

Les Croates progressant en influence au sein du gouvernement yougoslave, une dictature monarchique est mise en place en 1929, pour les juguler. C’est l’épisode de la dictature du 6-Janvier, sous l’égide de Petar Zivkovitch (1879-1953), un Serbe.

► Pierre II face à la montée des périls

En 1934, le roi de Yougoslavie est assassiné à Marseille, ainsi, accidentellement, que le ministre français des Affaires étrangères, Louis Barthou. Pierre II (1923-1970) lui succède. L’année suivante, Milan Stoyadinovitch (1888-1961), un pro-allemand, est nommé Premier ministre. Commence alors une période de conciliation avec les Croates.

Les faveurs de Stoyadinovitch pour le Reich allemand le contraignent toutefois à démissionner, en février 1939. Paul le remplace, au titre de régent, puis Dragiša Tsvetkovitch (1893-1969) Alors que la Deuxième guerre mondiale éclate, la Yougoslavie fait savoir en septembre qu’elle demeure neutre dans le conflit.

Progressivement toutefois, sous l’influence de Tsvetkovitch, la Yougoslavie se rapproche des puissances de l’Axe. Le 25 mars 1941, elle signe ainsi le Pacte tripartite Rome-Berlin-Tokyo. Le ministre est alors renversé, deux jours plus tard, par un corps d’officiers d’aviation hostiles à l’Allemagne.

Le pouvoir est pris par Dušan Simovitch (1882-1962). La Yougoslavie proclame de nouveau sa neutralité. Mais il est trop tard. En représailles, l’armée allemande envahit le territoire yougoslave, le 6 avril. Après une douzaine de jours de combats, le pays est occupé et démembré. L’Italie annexe la Slovénie et la Dalmatie, la Bulgarie récupère la Macédoine, la Hongrie prend l’Ouest de la Voïvodine. Quant au roi et son gouvernement, ils s’exilent à Londres.

► Occupation, résistance, libération

Alors que ce qu’il reste de Yougoslavie est devenu un État fantoche, avec un Croate pronazi à sa tête, Ante Pavelic, une résistance populaire s’organise autour d’un « Comité antifasciste de libération nationale yougoslave » ( Antifašističko Vijeće narodnog oslobođenja jugoslavije, AVNOJ), à partir de 1942. L’année suivante, un gouvernement provisoire est mis en place, dans l’optique de l’après-guerre.

L’Armée rouge libère le territoire yougoslave en 1944, appuyée par la résistance  communiste d’un maréchal charismatique, Josip Broz Tito (1892-1980). Des élections législatives sont tenues, toutefois faussées par la présence d’une liste unique, le Narodna fronta Jugoslavije (Front populaire de Yougoslavie), qui obtient 90 % des suffrages. Tito, qui devient le nouvel homme fort de la Yougoslavie, établit en 1946 une constitution nettement inspirée de celle de l’Union soviétique. La Yougoslavie devient alors une fédération de dix républiques, avec la Bosnie-Herzégovine. Quant à la famille royale, elle est définitivement exclue du pouvoir, et demeure en exil.

► Le titisme : rupture avec les Soviétiques et non-alignement

L’un des premiers actes forts de la nouvelle Yougoslavie, devenue république socialiste à part entière, est la mise en place d’un plan quadriennal d’industrialisation (1947). La Yougoslavie s’affirme également sur le plan territorial, en annexant la plus grande partie de la Vénétie julienne, au Nord-Est de la péninsule italienne, disposition actée par le traité de Paris.

Idéologiquement toutefois, la proximité entre Yougoslaves et Soviétiques ne tient pas, en dépit du régime communiste mis en place dans la Fédération, symbolisé par un nouveau drapeau doté de l’étoile rouge (l’image ci-dessous synthétise les évolutions successives de ce drapeau). La rupture intervient en 1948. La Yougoslavie s’oriente alors vers un système d’autogestion, avec des conseils ouvriers élus par les travailleurs élus dans chaque unité de production. En 1953, une nouvelle constitution parachève l’ensemble, avec la mise en place d’un Conseil des producteurs, qui devient la seconde Chambre.

Après sept années de rupture diplomatique, et la mort de Joseph Staline, l’Union soviétique se rapproche toutefois de la Yougoslavie. Cette réconciliation est entérinée par un voyage officiel des dirigeants soviétiques Nikolaï Boulganine (1895-1975) et Nikita Khrouchtchev (1894-1971), à Belgrade. D’un autre côté, la Yougoslavie, dans le cadre de Conférence de Belgrade, rassemblant une trentaine de pays non-alignés, qu’elle n’est officiellement lié ni au bloc communiste, ni au bloc capitaliste.

En 1963, une troisième constitution entraîne une importante décentralisation de l’État yougoslave, au profit des différentes républiques constitutives de cette fédération. Les réformes sont également économiques, avec le quasi-abandon de la planification, en vigueur depuis quatre décennies.

L’influence croate grandissante dans l’appareil d’État entraîne une première épuration de la part de Tito — lui-même croate — en 1971, ainsi que des éléments libéraux, nationalistes et technocrates. Par la suite, ce sont même les éléments prosoviétiques qui sont éliminés. Durant ces ultimes années du titisme, la Yougoslavie réaffirme symboliquement sa position de puissance non-alignée, à la Conférence de La Havane (1979).

► L’effondrement de la Yougoslavie

Tito meurt l’année suivante. Il laisse logiquement un vide politique, qui participe à l’effondrement progressif de la Fédération, certes accélérées par les propres problèmes de l’Union soviétique, à la fin des années 1980. Cette disparition du maréchal Tito libère les pulsions nationalistes des minorités, jusque là contenues par le pouvoir central.

C’est en particulier l’élection de Slobodan Milosévitch (1941-2006) à la présidence de la Serbie, autour d’un programme de nationalisme ethnique affirmé, qui aggrave les dissensions naissantes. Les premières élections libres, en 1990, libèrent également la parole. Milosévitch demande une « Grande Serbie », tandis que la Slovénie affirme vouloir son indépendance, ainsi que la Croatie. La Yougoslavie s’effondre, et le terrain est prêt pour la terrible guerre qui se fait jour, à partir de 1992, dans ce qui devient « l’ex-Yougoslavie ».

Le nom de Yougoslavie n’est en effet plus que celui d’une république fédérale réduite à la Serbie et au Monténégro, sans plus de référence au socialisme. Minée par la guerre de Bosnie-Herzégovine et le siège de Sarajevo, l’État yougoslave résiduel, isolé sur la scène internationale et accusé de massacre de civils bosniaques, est ensuite empêtré dans la guerre du Kossovo.

En 1999, les paramilitaires de l’UCK, appuyés par les forces de l’OTAN, gagnent une victoire décisive contre la Yougoslavie. Milosévitch est contraint de partir du pouvoir l’année suivante, à l’issue de la Révolution « des bulldozers », puis est traduit en justice devant le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye. Dissoute en 2003, la République fédérale de Yougoslavie laisse place à la Serbie-et-Monténégro, elle-même amenée à se scinder en deux entités distinctes.

— Gauthier BOUCHET


BIBLIOGRAPHIE

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