À la suite de notre chronique littéraire, retrouvez dès à présent nos notes de lecture de l’ouvrage « Le despotisme éclairé », par François Bluche, ainsi que quelques extraits marquants.
La pagination fait référence à l’édition originelle de 1985 (Hachette).
Sur une définition du despotisme éclairé : [Le despotisme éclairé est une] « rationalisation du Gouvernement, mise de l’État au service des Lumières (point de vue de L’Encyclopédie), mise des Lumières au service de l’État (point de vue des princes), coercition exercée dans un but raisonnable.«
— François Bluche, page 10
« Non sans raison, [Frédéric II le Grand] moque la « gallomanie » des principicules de l’Empire [germanique], appliqués à singer Versailles. »
— François Bluche, page 16
Sur Frédéric II, vu par Voltaire : « Pour Voltaire, Frédéric est Marc Aurèle, Titus, Antonin, César, Julien, Alcibiade, le « Salomon du Nord« , un esprit sublime, un corps aimable, une âme héroïque et tendre. Il pense comme Trajan, et écrit comme Pline. Le ciel l’a mis sur Terre pour fouler aux pieds la superstition, abattre le fanatisme, restaurer la vertu, et donner des leçons aux rois. »
— Pierre Gaxotte, cité en page 20
Sur l’opinion de Frédéric II concernant les intellectuels germaniques : « Le roi de Prusse ignore systématiquement les meilleurs écrivains allemands contemporains, à qui manquent, assume-t-il, « la langue et le goût« . Il dédaigne Lessing et Klopstock, Herder ou Goethe : ces derniers le lui rendent bien. Les bons protestants sont scandalisés de l’irréligion du souverain ; les amis de la liberté, affectés par le despotisme militaire. Né prussien, Klopstock, installé au Danemark, célèbre tous les princes, sauf le Hohenzollern. Lessing — le « Voltaire allemand », auteur des fameux Dialogues sur la franc-maçonnerie — [et] qui réside sans joie à Berlin, déclare : « Je ne voudrais pas jurer qu’il ne se trouvera pas un jour un flatteur pour appeler l’époque actuelle de notre littérature l’époque de Frédéric le Grand. »
Sur la formation intellectuelle de Frédéric : « Un corps de bibliothèque suffit à peine à contenir les œuvres complètes de Frédéric II, près de cent volumes du format in-octavo. Le plus remarquable des hommes d’action du XVIIIe siècle fut aussi l’un des écrivains les plus féconds de son temps ; le plus grand monarque des pays germaniques, un des meilleurs hommes de lettres de langue française. Une mode est lancée, bientôt inséparable de la monarchie éclairée, raisonner sur la souveraineté et l’État, expliquer aux contemporains et à la postérité les raisons pratiques du Gouvernement et de l’administration, enfin, entretenir avec toute l’Europe une correspondance ouverte. »
— François Bluche, page 29
Sur l’influence du français à la Cour de Prusse : « La langue que l’on parle le moins à la Cour [de Prusse], c’est l’allemand. »
— Voltaire, cité en page 31
« Les académies, pour être utiles, doivent communiquer leurs découvertes dans la langue universelle, et cette langue est le français. »
« Les bons auteurs français ont rendu leur langue universelle : elle remplace le latin ; c’est la langue des savants, des politiques, des courtisans. »
« Il n’est pas plus étrange qu’un Allemand écrive de nos jours en français qu’il l’était du temps de Cicéron, qu’un Romain écrivit en grec. »
— Frédéric II de Prusse, cité en page 31
Sur l’expansionnisme prussien : « La guerre est l’industrie nationale de la Prusse. »
— Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau, vers 1788, cité en page 42
« Cette monarchie prussienne a encore besoin d’accroissement pour subsister. L’Autriche, la France, déjà arrêtées par leur propre poids, ne m’émeuvent plus avec tant de vivacité, ni d’audace. Je les compare à ces corps gras et pesants, qui n’ont plus ni l’inquiétude, ni la convoitise bien allumées. Leur estomac est rempli jusqu’à satiété, et tranquille. La monarchie prussienne, au contraire, est un corps encore jeune et nerveux, son appétit est toujours allumé, ses mouvements sont vifs et violents, il cherche à acquérir cet embonpoint dont ses rivaux jouissent. De qui le prendra-t-il ? »
— Ernst Bernstorff, 1758, cité en page 45
Sur la tolérance religieuse en Prusse : « La juiverie ne doit être gênée en aucune façon dans ses actes et son commerce, pas plus que dans l’exercice de sa religion. »
— Frédéric II de Prusse, cité en page 55
Sur le gouvernement de Frédéric : [Il] « est son propre ministre, et n’a jamais accordé sa confiance qu’au seul Eichel († 1768), le chef de son secrétariat particulier. […] Le Directoire va demeurer le principal rouage de la machine. Au temps de Frédéric-Guillaume, il siégeait en corps, était dominé par quatre ministres ou présidents de départements territoriaux, prenait souvent ses décisions à l’unanimité. Frédéric II développe le nombre des « départements » (manufactures et commerce, accise et mines, domaines, forêts, administration militaire) et leur donne une compétence générale ou technique. »
— Voltaire, cité en page 69