NOTE — Mazarin : italianité et francité d’un « cardinal-ministre »


À la suite de notre chronique littéraire, retrouvez dès à présent nos notes de lecture de l’ouvrage « Mazarin l’Italien », par Olivier Poncet, ainsi que quelques extraits marquants.

► Présentation de l’auteur

Il faut revenir sur la couverture de ce livre. Il s’agit du portrait le plus connu de Jules Mazarin (Giulio Mazarino) : celui de Pierre Mignard. Ami de Molière, il est l’un des plus célèbres peintres classiques français. Ce portraitiste illustre tant Bossuet que mademoiselle de Montpensier, mesdames de Montespan, de Maintenon et de Sévigné, et surtout, le roi Louis XIV : dix portraits.

Ce livre ne constitue pas une biographie classique de Mazarin, mais davantage une étude consacrée au rapport entre ce dernier et l’Italie, son pays natal. L’ouvrage s’attarde d’ailleurs sur les aspects les plus larges de cette italianité de la figure Mazarin : son rapport à l’espace méditerranéen, aux arts, à la gastronomie, à la Papauté… La biographie, courte (environ cent quatre-vingt pages) est suivie d’un long dictionnaire du « petit monde » de Mazarin, et d’annexes sur la bibliographie, naturellement dense, relative à ce grand personnage historique, successeur du cardinal de Richelieu.

L’auteur commet quelques maladresses, en évoquant Clemenceau, Louis XVI, par comparaison avec Mazarin bien sûr. Cet usage d’exemples postérieurs au personnage dont traite cette biographique peut rappeler un procédé utilisé dans une récente biographie sur Adolphe Thiers, Thiers, bourgeois et révolutionnaire (2007), de Georges Valance, où l’auteur ose des comparaisons avec Philippe Pétain.

► Un « ministériat » influencé par la Fronde

Le contexte historique du ministériat — on ne parle pas alors de « ministère » — de Mazarin, entre 1642 et 1661, est celui de l’enfance du roi Louis XIV, puis de la Fronde. Cette dernière oblige le cardinal à l’exil, sur les terres du Saint-Empire romain germanique. On y découvre alors l’appui de la République vénitienne à la monarchie française, par l’entremise de l’ambassadeur Morosini.

Cette période trouble que constitue la Fronde, durant la minorité de Louis XIV, alors qu’une régence est alors assurée par sa mère, Anne d’Autriche, attise la haine du peuple comme d’une partie des élites contre Mazarin. C’est l’heure des « mazarinades », milliers de libelles souvent anonymes, et pour la plupart hostiles, dont le livre restitue quelques extraits, et titres éloquents sur l’influence politique prêtée à l’Italien sur la Monarchie.

Poncet parle ainsi des « Œufs rouges à Mazarin », « Portait du meichant ministre d’Estat, Iulle Mazarin, et sa cheute souhaitée », ou de « L’Oygnon ou l’Union, qui fait mal à Mazarin, avec quelques autres pièces du temps, contre luy », en référence aux problèmes de prononciation du français de Mazarin.

Au-delà de l’influence supposée d’un personnel diplomatique étranger, c’est la politique extérieure du royaume de France qui ne fait pas l’unanimité pour les frondeurs. En effet, l’un des marqueurs de la diplomatie française, au XVIIe siècle, ce sont ses alliances à front renversé : avec l’Empire ottoman, et des républiques : Venise, Naples, l’Angleterre cromwellienne, pourtant protestante, etc.

Toutefois, Mazarin réaffirme la position classique de la France face au « Turc » (les Ottomans), de nouveau conçu comme un ennemi, notamment parce que musulman. L’alliance contractée entre François Ier et Soliman le Magnifique, en 1536, et dont la non-participation française à la bataille de Lépante (1571) est un marqueur fort, est ainsi rompue.

► Italiens en France, et Français en Italie

Un homme revient souvent dans le récit : Zongo Ondedei. C’est un romain, le secrétaire de Mazarin. Ce dernier le nomme évêque de Fréjus. Ondedei fait partie de l’ordre des Théatins, clercs réguliers de droit pontifical sur lequel revient longuement l’auteur, dans les pages centrales de son livre.

Portrait de Zongo Ondedei.

Au-delà de l’entourage politique qui accompagne Mazarin en France, le livre de Poncet revient attentivement sur l’influence qu’exerce Mazarin en Italie, particulièrement à Rome, qu’il quitte pourtant définitivement dès les années 1630, pour n’y plus jamais revenir. Il y fait ainsi bâtir un immense palais, symbole de sa « présence » face aux velléités du pape.

L’ouvrage insiste également longuement sur les réalités du « parti français » dans les différentes cités-États italiennes. L’on y découvre les qualités et les limites de l’influence françaises chez certaines élites italiennes. Cette influence est toujours très liée à des intérêts économiques immédiats et de même, conjoncturelle, volatile, incertaine. L’épisode piteux de la révolte de Naples (1647-1648), suscitant l’intervention de la France, puis celle de l’Espagne, illustre cette inorganisation des Italiens « pro-français », davantage que son potentiel.

Dans le récit, la figure papale est naturellement au centre. Il est rappelé que les papes successifs de cette époque (Urbain VIII, puis Innocent X et Alexandre VII) sont longtemps les grands ennemis de Mazarin, dans un contexte où, en Italie, la France est opposée à l’Espagne, dans un jeu géopolitique complexe. La France est certes en recul — par rapport aux prétentions qu’elle affiche au XVIe siècle, lors des guerres d’Italie — mais demeure un acteur puissant dans la région, en témoigne la présence de places fortes. Mais, après bien des échecs, à cette diplomatie guerrière, Mazarin semble préférer des alliances matrimoniales : vis-à-vis de Modène, de Mantoue…

Portrait d’Innocent X, par Diego Vélasquez. Peint en 1650.

Par ces alliances, au profit notamment de ses nièces, Mazarin tâche d’assurer un avenir à son nom, au-delà de sa mort, en 1661. Il y réussit plus ou moins, car dès sa disparition, et pendant un siècle, à l’image de ce qui est dit de Richelieu, la légende noire côtoie de glorieux récits, sur cet étonnant « cardinal-ministre ».

L’on sait de cette formule, étrange association du spirituel et du temporel, qu’elle n’est pas reprise par la suite puisque, Louis XIV, en roi-Soleil, même flanqué d’un Colbert, règne seul. C’est, dès lors, le sommet de l’absolutisme monarchique.

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