« Mazarin l’Italien » : extraits marquants


À la suite de notre chronique littéraire, retrouvez dès à présent nos notes de lecture de l’ouvrage « Mazarin l’Italien », par Olivier Poncet, ainsi que quelques extraits marquants.


Sur la modernité urbanistique de Rome : « Le pape [Paul IV] fit plus que doubler l’approvisionnement en eau potable de la ville, par la création d’un nouveau réseau d’adduction, en faisant arriver les eaux du lac de Bracciano par l’Acqua Paola. Chaque Romain pouvait alors théoriquement disposer de plus de mille cinq cents litres chaque jour, un record pour l’époque : il dispensa les successeurs de Paul V de se préoccuper de la question jusqu’au milieu du XIXe siècle. »

— Page 26

Sur l’élection des papes : « Le système électif de la monarchie pontificale débauche à chaque conclave sur des coups de barre parfois violents infligés à la conduite du navire de l’Église. À l’époque moderne, et particulièrement dans cette première moitié du XVIIe siècle, les effets conjugués de l’absolutisme tridentin et du népotisme provoquaient ruines et réussites sociales et politiques. »

— Page 29

Sur le « marché » qu’est la Curie : « Le pape sait bien que la Curie est un vaste marché où les fidélités s’achètent et se vendent selon une loi de l’offre et de la demande bien spéciale. Les personnages les plus puissants, qu’ils soient cardinaux ou chefs de grandes familles nobiliaires, sont les plus recherchés, et donc souvent les plus chers. Et dans cette bourse des influences, les puissances investissent à la hauteur de leurs ambitions sur la place de Rome. »

— Page 36

Sur la relégation de Mazarin à Avignon : « Quand le pape [maintient Mazarin] à Avignon avec le titre de vice-légat, il lui faisait en réalité un cadeau empoisonné. Pour quiconque rêvait d’occuper les premières places à Rome, Avignon était l’exil le plus net. C’était la possession la plus lointaine des papes, et un souvenir bien affadi du temps où ils régnaient au XIVe siècle sur les bords du Rhône. La ville n’était plus que l’ombre d’elle-même : au sortir de la grande peste de 1629-1630, elle comptait dix mille habitants. »

— Page 38

Sur les ecclésiastiques dans les grands emplois : « Les ecclésiastiques sont souvent préférables à beaucoup d’autres lorsqu’il est question de grands emplois, non pour être moins sujets à leurs intérêts, mais parce qu’ils en ont beaucoup moins que les autres hommes, puisque n’ayant ni femmes ni enfants, ils sont libres des liens qui attachent davantage. »

— Armand du Plessis de Richelieu, seconde partie de son Testament politique, 1642

Sur l’influence politique des Italiens en France : « Périodiquement, les Français dénonçaient la mainmise des Italiens sur le gouvernement de la France, qu’il s’agit de Catherine de Médicis, de Concini, le favori de Médicis, ou de Mazarin. Et cette dénonciation pouvait prendre un tour dramatique. Après l’exécution de Concini ordonnée en 1617 par le roi Louis XIII, le comportement de la foule parisienne avait atteint un rare degré de cruauté, puisque son cadavre fut exhumé, pendu, dépecé, brûlé et enfin jeté à la Seine, dans une sorte de catharsis collective, à laquelle s’ajoutèrent d’horribles scènes de cannibalisme. »

— Page 70

« De manière générale, on serait bien en peine de trouver des Italiens qui ont eu une influence et un rôle administratif déterminants durant le ministériat de Mazarin. Les grands responsables des départements ministériels étaient tous des sujets du roi de France. La diplomatie étaient tenue par un Limousin (Loménie de Brienne) et la guerre était confiée à un Parisien (Michel Le Tellier), tandis que les finances furent partagées après la Fronde entre un Dauphinois (Abel Servien) et un Angevin (Nicolas Fouquet). »

— Page 78

Sur l’influence politique des Français en Italie : « Dans toutes les grandes villes italiennes, de Naples à Palerme, de Gênes à Milan, on trouvait en effet des partis français, plus ou moins forts, plus ou moins sincères. Mais ces francophiles de circonstance (souvent) n’avaient qu’une confiance limitée dans les belles paroles de soutien des Français, et ils redoutaient par-dessus tout une occupation française qu’ils ne jugeaient pas plus douce que celle des Espagnols. Ce jeu de dupes où chacun cherchait à instrumentaliser l’autre au service de ses intérêts constituait la toile de fond de toute la politique française en Italie. »

— Page 100

« En 1659, le lot réservé aux petits duchés italiens dans le traité des Pyrénées reflétait […] la fidélité qui avait été la leur à l’égard de la France. Tandis que Modène et la Savoie recevaient divers avantages territoriaux, Mantoue était mal récompensé de son revirement de dernière minute, en entamait un déclin inexorable, qui s’acheva par sa complète disparition, en 1708. Non seulement Mazarin l’avait dépouillé de ses derniers duchés français (Rethel, Nevers) qu’il avait fini par racheter en 1659, mais en plus il se payait le luxe de lui enlever son propre négociateur, Francesco Bellinzoni. »

— Page 130

Sur Mazarin successeur de Richelieu : « En quatre mois, de mai à octobre 1643, Mazarin offrit aux observateurs attentifs un modèle de manœuvre politique. Sans trop d’états d’âme apparents, il sacrifia les anciennes créatures de Richelieu : il abandonnera ainsi son vieil ami Chauvigny [de Blot], responsable de la politique extérieure, pour l’offrir en victime expiatoire à l’opinion publique, qui réclamait du changement. Et pour éviter de de trop mettre en avant l’Italien qu’il était, il refusa de prendre le titre de principal ministre qu’avait porté Richelieu. »

— Page 72

Sur les influences machiavéliennes de Mazarin : « Monsieur le cardinal de Mazarin […] s’est imaginé, dès son enfance, que la principale qualité, dès son enfance, que la principale qualité d’un habile homme était de ne jamais faire le bien. Il a ajouté à cette inclination naturelle quelque lecture de Machiavel, dans lequel il a puisé cette leçon, que la brouillerie est toujours favorable à une autorité qui ne se soutient pas d’elle-même. »

— Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz

Sur l’importance économique de Marseille : « Jusque vers 1660, le commerce maritime de Marseille demeure aussi actif et brillant qu’il l’avait été au XVIe siècle. La ville constituait une porte sur le Levant méditerranéen. […] Durant la Fronde, Marseille n’avait pas basculé dans l’opposition qui avait été celle du parlement voisin d’Aix-en-Provence, et en fût bien mal récompensée, car ses aspirations à l’autonomie municipale étaient incompatibles avec la volonté de Mazarin. »

— Page 107

Sur la révolte de Naples : « Tant que l’on ne verra pas clairement que l’on peut tirer le peuple [napolitain] hors de cette chimère de république pour l’amener à un État stable et sûr, cette aide [française] ne servirait qu’à le maintenir plus longtemps encore dans sa folie. »

— Jules Mazarin, 20 mars 1648

Sur la richesse de Mazarin : « Le patrimoine de Mazarin à son décès est tout bonnement incroyable. C’est « incontestablement la fortune la plus considérable qu’un homme ait jamais laissée sous l’Ancien régime » (Daniel Dessert). On a pu l’évaluer à environ trente-huit ou trente-neuf millions de livres, soit plus ou moins la moitié des recettes annuelles de la Monarchie vers cette époque. Et encore, les chiffres déjà énormes en eux-mêmes ne sont-ils sans doute pas toute la réalité. »

— Page 136

« Le cardinal touchait d’abord les fruits de ses multiples abbayes, sous forme d’espèces sonnantes et trébuchantes que lui faisaient parvenir ses fermiers. La faveur royale lui octroyait ensuite des pensions, des charges ou des gouvernements de ports, dont il se faisait attribuer les revenus par le biais de prête-noms. Il en découlait des revenus moins légaux : pots-de-vin pour concéder telle charge, ou rançons pour libérer deux généraux espagnols… »

— Page 140

[Mazarin] « entra en possession des dix-huit plus diamants connus à l’époque, et qui portèrent par la suite le nom de « mazarins » après qu’il les eut donné au roi à sa mort, ils étaient estimés à la somme de deux millions de livres, une somme qui aurait suffi pour acheter dix palais romains. Le seul Sancy, un diamant jaune pâle de cinquante-cinq carats et d’une eau d’une très grande pureté, aujourd’hui conservé au musée du Louvre, valait à lui seul six cents mille livres… »

— Page 142

« Le dépouillement des duchés français du duc de Mantoue (Mayenne, Rethel et Nevers), et leur transfert sur la tête de Mazarin, commença en 1654. Cette opération, qui fut rondement menée en cinq ans, c’est Colbert. L’octroi de portions considérables du domaine royal, comme les deux mille cinq cents hectares de la forêt de Saint-Gobain, c’est encore Colbert. La mainmise sur de vastes seigneuries en Alsace, comme le comté de Belfort, encore et toujours Colbert. »

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