NOTE — Cixi, la dernière impératrice de Chine


À la suite de notre chronique littéraire, retrouvez dès à présent nos notes de lecture de l’ouvrage « L’impératrice Cixi, la concubine qui fit entrer la Chine dans la modernité », par Jung Chang, ainsi que quelques extraits marquants.


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La pagination fait référence à la réédition de 2017 (Tallandier).

► Précisions sur l’auteur

Née en 1952, Jung Chang est une historienne chinoise. Mis à part ce livre sur l’impératrice Cixi (1835-1908), sa seule œuvre historique majeure est une biographie de Mao Tsé-Toung (1893-1976) en deux volumes : Mao, l’histoire inconnue (2006).

Son livre sur Cixi est sorti en 2013 en anglais, sous le titre Empress Dowager Cixi. Il est traduit deux ans plus tard en français, et sort initialement chez JC Lattès. Réédité par la suite en 2017 chez Tallandier, cette grosse somme de six cents pages bénéficie d’une riche bibliographie d’environ quatre cents titres. Le livre pâtit en revanche d’un manque total d’iconographie, et notamment de cartes, qui eurent été utiles pour comprendre la Chine de l’époque, à travers les guerres successives et les différents voyages et exils de Cixi.

► Jeunesse d’une concubine

Cixi naît le 29 novembre 1835 à Pékin, dans une famille noble. Son père Huizhong, est un forte-enseigne mandchou du clan des Yehe Nara. Les parents de Cixi meurent durant son enfance. C’est alors son oncle qui l’éduque. Il la forme à son destin de concubine de l’empereur de Chine : Xianfeng (1831-1861). Celui-ci, empereur à dix-neuf ans, est de santé fragile, comme le rappelle Chang en page 28, dépeignant un monarque « en mauvaise santé depuis sa naissance prématurée, le visage hâve« , d’où son surnom de « Dragon boiteux ».

En 1850, Cixi est nommée cinquième concubine impériale, c’est-à-dire le rang le plus bas. Par l’entremise d’un eunuque, il semble que Cixi parvienne à se rapprocher suffisamment de Xianfeng. Ainsi, en 1852, il en fait la favorite impériale. S’ensuit la naissance d’un enfant, logiquement amené à régner sur la Chine : Zaïchun.

L’ascension sociale soudaine de Cixi s’accompagne également d’un fait sacrilège pour l’époque : Cixi devient la conseillère politique de Xianfeng. Cela n’est naturellement pas l’usage. Au reste, Cixi sait lire et écrire, inversement à beaucoup de concubines impériales. Ces facilités, et cet apprentissage de la gestion de l’État, la prépare alors progressivement à la succession de l’empereur.

► Impératrice de Chine

Comme quelques décennies auparavant, la Chine affronte en 1860 les velléités coloniales du Royaume-Uni et de la France. Cette période est retranscrite dans le chapitre Premières incursions en Occident, à partir de la page 116. C’est la Seconde guerre de l’Opium. Pékin étant attaqué par les Franco-Britanniques, la Cour doit s’enfuir en Mandchourie, à Rehe.

Xianfeng semble alors subitement s’enfermer dans la dépression. Affaibli, il voit son trône revendiqué par deux factions : ses cousins Yi et Zheng, et le commandant de la Garde impériale chinoise, Rong Lu. Cixi rejoint rapidement ce dernier. Quant à Ci’an (1837-1881), la première épouse de l’empereur, sa neutralité agace, car elle est convoitée par les deux factions, étant censée succéder à Xianfeng. Celui-ci meurt d’ailleurs dès 1861. Cixi prend sa succession. Elle réside dès lors à la Cité interdite, siège du pouvoir impérial, dont l’auteur rappelle dès la page 23 le caractère de forteresse et les dimensions uniques, de l’ordre de huit cents cinquante mètres de côté : « un complexe palatial […] probablement le plus grand du monde« .

Sa première tâche est de contenir la révolte des Taïping. Il s’agit de paysans rebelles, détenant « des terres parmi les plus fertiles du pays« , comme le rappelle l’auteur en page 97, à commencer par Nankin et sa région. Pour cela, au sortir de la guerre de l’opium, Cixi tâche de faire fructifier ses relations avec les puissances occidentales. Cette alliance entre Chine et Occident ne va initialement pas de soi, car les Taïping se revendiquent comme chrétiens.

Parmi ces rebelles, se distingue un meneur, Hong Xiuquan (1813-1864), se surnommant « le Soleil » et revendiquant à la fois la chasteté pour ceux d sont mouvement, tout jouissant lui-même de quatre vingt-huit concubines. Progressant rapidement vers le Nord-Est, les Taïping commettent l’erreur de piller Shangaï, ce qui met en péril le négoce et la sécurité des Occidentaux, suscitant leur alliance de revers avec la Chine.

Une armée de Chinois entraînée à l’occidentale est alors mise en place encadrée par un mercenaire américain, Frederick Townsend Ward (1831-1862), lequel succombe d’ailleurs face aux Taïping. Le commandement revient alors à un officier britannique, Charles Gordon (1833-1885).

Mais la reconquête sur les Taïping est surtout l’œuvre d’un Chinois : Zeng Guofan (1811-1872). En quelques mois, il mate la rébellion taïping. Celle-ci s’éteint en 1864, au prix de quelque vingt millions de morts, sur une population chinoise tout de même de l’ordre de trois cent cinquante millions à l’époque.

La Chine peut alors se reconstruire. Sous l’influence d’un linguiste irlandais, Hart, les douanes chinoises acquièrent alors une organisation professionnelle et moins corrompue. Ce bilan se traduit par une collecte record de taxe, en 1865 : 32 millions de taëls (soit l’équivalent d’environ 11 millions de livres Sterling).

Le pays s’enrichit, et finit même de s’acquitter de ses indemnités de guerre auprès des Britanniques et des Français, en 1866. La Chine peut même désormais importer. Ainsi, elle fait venir 1,1 million de taëls de riz, en 1867. La puissance chinoise se perçoit aussi par ses démarches pour constituer une flotte moderne, sous l’initiative du Français Prosper Giquel (1835-1886), un officier naval.

► La guerre sino-japonaise, et la reconstruction

La montée en puissance économique de la Chine et du Japon, de même que leurs appétits territoriaux, entraînent de logiques tensions qui, fatalement, débouchent vers la guerre (chapitre En guerre contre le Japon, à partir de la page 272). Japon et Chine s’affrontent, en 1894. Il s’ensuit une défaite cuisante de la seconde. Le territoire chinois est littéralement dépecé. Ainsi, la Chine cède Taïwan, le Liadong les Pescadores et la Corée. De même, ses pertes sont immenses : trente-cinq mille tués et blessés, soient trois fois plus que du côté japonais.

Se reconstruisant toutefois rapidement, les Chinois engagent à partir de 1898 un impressionnant train de réformes. Mais le pouvoir demeure fragile, comme en témoigne le complot de Guangxu qui manque de détrôner Cixi, en cette même année. Ce sont les « Cent-jours » à l’issue desquels Guangxu est déclaré inapte au gouvernement. Les conseillers impériaux sont exécutés, et leurs décrets annulés.

Sur le plan de la politique extérieure, stratégiquement, la Chine soutient les Boers en 1899. Ce faisant, elle se place en ennemie du camp britannique.

► Cixi et les Boxers

Agitant à partir de 1899 la révolte des Boxers (Yihéquan en chinois, mouvement opposé aux réformes) contre le colonialisme et la présence de légations occidentales, Cixi est toutefois vaincue par une coalition occidentale : l’Alliance des Huit Nations. Celles-ci comprennent le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la France, les empires allemand, austro-hongrois et russe, l’Italie, et, de nouveau, le Japon. L’Alliance aligne cinquante mille hommes, face à environ cent cinquante mille Boxers et soldats chinois. Le chapitre En guerre contre les puissances mondiales — au titre explicite — retrace le récit de cette guerre-éclair, à partir de la page 373.

Pour autant, en dépit d’une nette supériorité numérique, la défaite est chinoise. En 1900, Cixi doit s’enfuir. Elle se rend alors à Xi’an, au Palais d’été. En son absence, la Chine signe une paix avec les puissances occidentales, malgré son statut de pays occupé, et moyennant la promesse de réformes, en 1901. Surtout, la Chine est contrainte à de lourdes réparations de guerre au Japon, échelonnées sur quarante ans.

Revenue à Pékin quelques mois plus tard, Cixi est très affaiblie. Prudemment, elle accuse les Boxers d’être seuls responsables du conflit. De même, pour rassurer les puissance occidentales, elle laisse l’armée chinoise réprimer les dernier feux de la révolte.

Laissant désormais faire les réformes, Cixi ne peut qu’accepter, notamment, la réorganisation de l’armée chinoise, selon des standards occidentaux, et de loyauté au commandant, au lieu de l’empereur. A partir de 1906, l’armement est également revu de fond en comble.

► Mort de l’impératrice, ou de l’Empire ?

La meurt de l’empereur banni Guangxu, le 14 novembre 1908, est une surprise. Celui-ci est en réalité probablement empoisonné par l’impératrice. Cixi, elle-même est alors mourante.

Opportunément, pour sa succession, elle nomme Puyi, neveu de Guangxu, âgé de trois ans. Le 15 novembre, elle décède à la Cité interdite (chapitre Décès, page 519 et suivantes). Elle est enterrée dans le mausolée Qing de Zunhua, au Nord de Pékin. L’éloge funèbre est dirigé par le Dalaï-lama, Thubten Gyatso.

La mort de l’impératrice induit d’une certaine façon, à court terme, celle de l’Empire chinois. Les réformes — notamment celle de l’armée — enhardissent suffisamment les élites du pays pour les amener, progressivement, sur le chemin d’une révolution. Celle-ci intervient à partir de 1911, et le soulèvement de Wuchang. Yuan Shikai, général en charge de mater la révolte, n’y parvient pas : il se retourne même contre le pouvoir.

En 1912, le jeune Puyi doit abdiquer. C’est la fin de l’Empire chinois,  trois mille cinq cents après son instauration. Fragilement, une république se met en place, sous l’égide d’un révolutionnaire Sun Yat-sen (1866-1925). L’époque de Cixi l’impératrice est définitivement révolue.

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