NOTE — La bataille de Zama


À la suite de notre émission Date-clef, retrouvez dès à présent notre note historique sur la bataille de Zama. Cet événement conclut la deuxième guerre punique, par la défaite des Carthaginois, conduits par Hannibal Barca, face aux légions romaines de Scipion l’Africain.


  • CLIQUER ICI pour télécharger cette note historique (PDF)

► Le contexte des guerres puniques

La bataille de Zama, le 19 octobre 202 avant Jésus-Christ, s’inscrit dans le contexte des guerres puniques qui, depuis des décennies, opposent frontalement la République romaine et la République carthaginoise. En effet, depuis plus de soixante ans, ces deux puissances  se jaugent et s’affrontent, en vue de maîtriser l’espace méditerranéen.

Une première guerre punique aboutit tout d’abord à l’humiliante défaite de Carthage et de son généralissime, Hamilcar Barca (290-228 avant Jésus-Christ) aux îles siciliennes des Égates, en 241 avant Jésus-Christ. Cette défaite impose de fait aux Carthaginois un traité de paix leur étant nettement défavorable.

Un tel échec ne peut qu’attiser la rancœur de la puissance punique, et pousser à la guerre. C’est chose faite de nouveau à partir de 218 avant Jésus-Christ, et sous l’égide d’un nouveau chef, qui intéresse notre récit : Hannibal Barca (247-vers 182 avant Jésus-Christ), fils du général Barca.

Hannibal — « Qui a la faveur de Baal » en grec, Baal étant un dieu égyptien de la foudre — est perçu de tous comme l’initiateur de cette deuxième guerre punique. Le nouvel homme fort de Carthage veut initialement porter la guerre en Italie, tandis que les Romains veulent envahir Carthage, depuis la Sicile. L’offensive romaine, conduite en avril 218 avant Jésus-Christ par Scipion l’Africain (vers 236-183 avant Jésus-Christ) et Sempronius Longus (vers 260-210 avant Jésus-Christ), tâche alors de bloquer l’impressionnante et rapide progression des Carthaginois.

Franchissant les Pyrénées avec son armée, et quelques éléphants de guerre, Hannibal écrase les Romains, qui perdent trente mille hommes sur les bords de la Trébie, affluent du Pô. Confiant, Hannibal marche sur Rome, ralliant —quoique difficilement — les Gaulois cisalpins. La mauvaise saison le bloque toutefois au Nord de l’Italie, en janvier 217 avant Jésus-Christ, pour trois mois.

L’armée carthaginoise et ses alliés cisalpins, quatre-vingt-dix mille hommes au total, parviennent en Étrurie, et combattent Flaminius, près du lac Trasimène, tuant quinze mille Romains, dont Flaminius lui-même. Mais l’avancée romaine en Hispanie contre les troupes carthaginoises l’amènent à temporiser pendant tout l’hiver. Hannibal refait toutefois sa situation militaire en compensant des effectifs affaiblis par son génie stratégique. Il vainc à Canne dans les Pouilles, le 2 août 216 Jésus-Christ. Victorieux donc, Hannibal conduit par la suite son armée dans la région fertile de Capoue, où elle prend ses quartiers d’hiver.

► Divisions du camp romain, offensive carthaginoise

Hannibal réussit par ailleurs à diviser les alliés des Romains. Ainsi, en 215 avant Jésus-Christ, Hiéronyme, roi de Syracuse, abandonne le combat. Quant à Philippe V de Macédoine, il s’allie à Carthage contre Rome, excluant cette dernière de la mer Adriatique. En Hispanie, le sort de Rome n’est guère plus heureux, car aux victoires, succèdent en 212 avant Jésus-Christ la défaite et la mort des Scipions.

La situation se rétablit timidement en faveur de la République romaine, grâce à Marc Lévinus, qui écrase Philippe de Macédoine à L’Aoos en Illyrie (sur le territoire de l’acutelle Albanie), puis Claude Marcel, qui occupe Syracuse, récemment alliée à Carthage. Surtout, symboliquement, en 211 avant Jésus-Christ, les Romains soumettent Capoue, que Hannibal tient triomphalement depuis cinq ans. Hannibal Barca est encore plus affaibli par la suite, avec la rentrée de Fabius Maxime à Tarente, en 209 avant Jésus-Christ.

Cette reconquête des Romains est toutefois mise à mal par l’arrivée de Hasdrubal Barca — frère de Hannibal Barca — et de son armée au Nord de l’Italie, en janvier 207 avant Jésus-Christ. Hasdrubal Barca meurt avec cinquante-six mille de ses hommes, sur les bords du Métaure, fleuve des Marches.

Dans le même temps, Philippe de Macédoine signe la paix de Phénice avec Rome, en 205 avant Jésus-Christ. Puis, Magon Barca, autre frère de Hannibal Barca, échoue en Hispanie deux ans plus tard. Tout ne semble pas pour autant perdu pour les Carthaginois.

L’affrontement final se prépare alors près de Zama, à Naraggara, dans l’actuelle Tunisie. Elle oppose les deux grandes figures de l’Antiquité : Hannibal et Scipion.

► Aspects stratégiques de la bataille

Les Carthaginois arrivent dans la bataille avec une nette infériorité de moyens. En particulier, ils ne disposent pratiquement plus de leur cavalerie numide, source de leurs précédentes victoires en Italie.

Hannibal choisit de placer une vingtaine d’éléphants en première ligne. En deuxième, se positionnent des mercenaires ligures et gaulois, puis en troisième, plus sécurisée, l’infanterie carthaginoise et celle de ses alliés africains. Aux ailes, se trouvent des cavaliers : carthaginois à l’aile droite, numides à l’aile gauche, quoiqu’en nombre nettement inférieur par rapport aux campagnes passées, pour ces derniers.

Le but du chef carthaginois est de faire charger les pachydermes, puis d’envoyer les mercenaires lancer un premier assaut. Doit ensuite intervenir l’infanterie carthaginoise. Mais la multiplicité es langues, des techniques de combat et des armes au sein de cette coalition composite la fragilise, et les interprètes ont bien du mal à traduire efficacement les ordres. Ce faisant, Hannibal doit promettre un surcroît de prime aux mercenaires pour les motiver.

Dans une approche subtile, Scipion rompt avec la disposition classique de ses troupes en quinconces, laissant volontairement des passages libres entre les manipules, laissant s’y engouffrer les éléphants, qui sont ensuite désorientés et renversés par des soldats d’infanterie légère. Pour impressionnants qu’ils soient, ces gros animaux représentent donc un atout assez faible au combat. Scipion dispose aussi d’une cavalerie : à gauche, des Romains, à droite, les Numides de Massinissa.

A posteriori : Hannibal, archétype de l' »art » militaire

Vaincus, les Carthaginois doivent de nouveau se contraindre à un traité de paix humiliant, et perd ses possessions en Hispanie. Profitant de son alliance avec Rome, Massinissa consolide son influence et agrandit son royaume. Carthage est définitivement affaiblie, et pour cette raison, la troisième guerre punique, un demi-siècle, n’est qu’une faible réplique : en trois ans, la puissance punique est non seulement de nouveau vaincu, mais la ville de Carthage est rasée.

Bataille capitale, Zama n’en reste pas moins méconnue, et peu traitée : quatre lignes et demi dans le Dictionnaire de l’Antiquité de Robert Laffont, alors qu’elle n’est même pas présente dans celui édité aux Presses universitaires de France. De même qu’est mal estimé le rôle stratégique joué par Massinissa, numide rallié aux Romains, dans la victoire de ces derniers face aux Carthaginois. Noyé dans le récit des guerres puniques, elle est avant tout connu comme étant le baroud d’honneur de celui qui est défait à son issue : Hannibal, archétype de l' »art » militaire, dont la pensée stratégique est, symboliquement, repris par la République romaine dès la troisième guerre punique.


BIBLIOGRAPHIE

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *