NOTE — La signature du second traité de Paris


À la suite de notre émission Date-clef, retrouvez dès à présent notre note historique sur la signature du second traité de Paris. Cet événement, succédant à l’abdication définitive de l’empereur Napoléon Ier, définit les nouvelles frontières de la France dans une Europe profondément reconfigurée.


► Après la chute — définitive — de Napoléon Ier

Napoléon Ier étant définitivement battu à Waterloo, le 18 juin 1815, les puissances coalisées que sont le Royaume-Uni, le royaume de Prusse, l’Empire de Russie et l’Empire d’Autriche, tâchent d’établir un traité qui puisse entraver tout retour d’un impérialisme français. C’est l’esprit du Second traité de Paris (succédant au premier de 1814, après l’abdication de Napoléon), dont les dispositions sont naturellement très contraignantes pour la France.

De manière révélatrice, les futurs vainqueurs se concertent dès avant le combat final qu’est Waterloo, le 9 juin. C’est l’Acte final du congrès de Vienne, naturellement au bénéfice direct des quatre vainqueurs.

► L’Europe réorganisée : Russie, Prusse, Autriche…

La Russie, rappelle Éric Anceau, dans le premier tome de son Introduction au XIXe siècle (2003) « s’ancre plus nettement en Europe », conservant la Finlande, préalablement possession suédoise, ce qui lui donne un contrôle direct de la mer Baltique. C’est la même chose concernant sa prise de la Bessarabie sur l’Empire ottoman, en 1812, qui ne lui est pas contestée. Son acquisition, par ailleurs, de la Prusse polonaise, lui permet de joindre ces territoires occidentaux et de créer ex-nihilo un royaume polonais fantoche, dirigé par le frère du tsar.

La Prusse, renonçant donc à ses possessions polonaises, recouvre toutefois la Posnanie (dans la région de l’actuelle Poznań) et reçoit la Poméranie suédoise. Le centre de gravité de la Prusse glisse ainsi vers l’Ouest, et agrandit sa superficie de 190 000 à 280 000 kilomètres carrés.

L’Autriche, elle, gagne en compacité, renonçant à la Souabe et aux Pays-Bas belges. Elle retrouve toutefois le Tyrol (pris à la Bavière), la région de Salzbourg et la Galicie polonaise, Cracovie exclue. Elle annexe l’Illyrie et la Vénétie, associant cette dernière à la Lombardie.

Le Royaume-Uni, sans ambition territoriale particulière, recouvre simplement le royaume de Hanovre. Il conserve toutefois Héligoland, pris en 1807, et Malte, ainsi que les îles ioniennes, augmentant sa capacité de projection en Méditerranée. Les Britanniques gardent de même les Antilles et les différentes Guyanes.

À la marge, la Suède — puissance vainqueur — obtient la Norvège, prise sur le Danemark. Le Danemark en est « indemnisé » par l’annexion du Holstein et du Lauenbourg, et en gardant le Schleswig, le Nord de la Saxe, la Westphalie, la Rhénanie et la Sarre.

La défaite de l’empereur des Français entraîne donc une réorganisation européenne de grande ampleur, par ailleurs couplée à un souci de rationalisation, dont l’exemple le plus frappant est le nouveau visage de l’espace allemand. En effet, les trois cents soixante États du Saint empire romain germanique, en 1789, fait place à une « Confédération germanique » (Deutscher Bund) de quarante et un États, dont l’Autriche.

Tout est fait, encore une fois, pour prévenir un éventuel retour de l’impérialisme français. Klemens von Metternich (1773-1859), chancelier autrichien, indique ainsi qu’elle est selon lui « la grande fabrique des révolutions, la caverne d’où sort le vent qui souffle la mort sur le corps social ».

Les vainqueurs veillent donc à entourer le royaume des Bourbons nouvellement restauré d’un ensemble d’États capables de la tenir en respect, l’influençant voire la contrôlant politiquement.

► De nouvelles pertes françaises

Aux pertes subies par la France après la première abdication de Napoléon, s’ajoutent avec le Second traité de Paris, le 20 novembre 1815, celles de la Savoie et de Nice, données au Piémont-Sardaigne, de même que des places fortes du Nord-Est : Bouillon, Landau, Marienbourg, Philippeville, Sarrelouis et Sarrebruck. La France revient à ses frontières de 1790, et non plus de 1792 : en cela, elle paie l’obstination de l’empereur, durant les Cent-jours. Elle n’en reste pas moins un territoire peuplé : plus de 29 millions d’habitants, ce qui, selon la formule de l’époque, en fait toujours « la Chine de l’Europe« .

Alors que certains des Alliés, en particulier la Prusse, demandent tout d’abord que la France abandonne une par conséquente de son territoire à l’Est, les rivalités entre puissances vainqueurs et le souhait d’assurer la restauration de la dynastie des Bourbons adoucit le règlement de la paix. Mais, symboliquement, la France n’est cette fois plus signataire, cédant la place à ses vainqueurs.

Le 20 novembre, est promulgué le traité, « au nom de la très sainte et indivisible Trinité », ce qui semble préfigurer un retour des jésuites exilés et d’un rôle renouvelé de la religion dans le royaume, particulièrement de l’Église catholique romaine, par opposition à l’époque napoléonienne. Le texte du traité, volontairement court, se veut « préserver la France et l’Europe des convulsions qui les avaient menacées par l’initiative de Napoléon Bonaparte », et condamne logiquement l’oeuvre de la Révolution, évoqué sous les trait du « système révolutionnaire reproduit en France ».

Le texte est officiellement présenté ainsi :

[Le traité agit] « dans le souhait de consolider, en maintenant inviolée l’autorité royale, et en restaurant l’application de la Charte constitutionnelle, l’ordre des choses qui avait été heureusement réétabli en France. »

La charte constitutionnelle à laquelle il est ici fait référence est la Charte de 1814, octroyée par Louis XVIII avant le retour de Napoléon. En acceptant ce retour, le pays se rend coupable aux yeux des Alliés, d’une nouvelle rébellion, « nonobstant les intentions paternelles de son roi », comme le relève le traité.

L’ancien empereur ayant par ailleurs décrété, durant les Cent-Jours, l’abolition de la traite des noirs dans les colonies françaises (inversement à son attitude de 1801), cette décision est confirmée par le traité dans un article additionnel. Elle n’est cependant pas appliquée. Il faudra attendre 1848 et l’oeuvre du républicain Victor Schoelcher pour que cette traite soit définitivement abolie en France.

► Quadruple et Quintuple-Alliance : la France écartée, puis intégrée

Ce même jour du 20 marque également la signature d’un autre document qui concerne la France au premier chef : la Quadruple-Alliance. Les signataires sont également les puissances vainqueurs.

Dès 1813, les Alliés formulent le souhait d’une telle alliance, qui doit décider de la future Europe politique, après la défaite de la France. Cette alliance suppose l’aide militaire et/ou financière de tout membre à un autre membre qui serait en danger.

Si ce système exclut initialement la France, qu’il s’agit de contrôler au sein du jeu européen, le royaume est toutefois progressivement intégré. À partir de 1818 et du Congrès d’Aix-la-Chapelle, la Quadruple-Alliance mue en Quintuple-Alliance : la France la rejoint alors en tant que cinquième partie.

Ce nouveau système d’alliances marque une rentrée en bonnes grâces de la France dans le jeu des grandes puissances. La France écartée devient la France intégrée. Ce retour n’en reste pas moins contrôlé et surveillé avec vigilance par le Royaume-Uni, première puissance mondiale de l’époque. Mais il se manifeste spectaculairement par l’intervention militaire que la France réalise en avril 1823, pour rétablir le roi Ferdinand VII, face aux libéraux.

La présence de près de cent mille soldats français, et leur victoire, en novembre, symbolise concrètement, non seulement le retour de la diplomatie française en Europe, mais encore, celui de l’armée française. Cette perspective est naturellement diversement perçue dans les chancelleries. Les décennies ultérieures prouveront que la France a encore de beaux restes militaires, et ne rabaisse pas ses prétentions à la première place en Europe.

— Gauthier BOUCHET


BIBLIOGRAPHIE

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