À la suite de notre chronique littéraire, retrouvez dès à présent nos notes de lecture de l’ouvrage « Blanche de Castille », par Georges Minois, ainsi que quelques extraits marquants.
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► Un exercice biographique complexe
En s’engageant à rédiger la vie de Blanche de Castille, Georges Minois aurait pu faillir devant les nombreuses difficultés historiographiques qui se profilaient au-devant de lui. Dérouler avec une telle précision le fil de l’existence de la femme de Louis VIII et présenter avec le même talent les traits majeurs de sa personnalité prouve — s’il était encore besoin de le faire — la rigueur de travaux de l’historien d’Anne de Bretagne et de Charlemagne. C’est que (et Minois le rappelle fort bien dès l’introduction), les silences des sources font légion.
Ainsi, peut-t-on raisonnablement établir une biographie sérieuse d’une femme dont la vie publique ne débute qu’avec son mariage avec l’héritier du trône de France, en 1200 ? Cette difficulté se conjugue avec la figure effacée, voire frustré de ce Louis VIII le Lion auquel le père austère (Philippe II l’Auguste) ne confie que de aventures aux finalités hasardeuses. La campagne d’Angleterre, qu’il mène de 1216 à 1217, en porte la meilleure illustration. Le voile cachant la personnalité et les capacités politiques de Blanche demeure entier de longues années et ne sera pleinement déchiré qu’à la mort de son époux, trois ans après son avènement (1226).
► Première personnalité de France pendant huit ans
L’Histoire retient ensuite d’elle plusieurs titres — « Gardienne du royaume », « co-reine » et beaucoup plus tardivement « régente » — pour qualifier son statut de première personnalité de France durant la minorité de son roi, le jeune Louis. Que n’a-t-on pas attendu de cet enfant de douze ans, né l’année même de l’apogée de son grand-père à Bouvines (1214), fruit d’un mariage politique qui s’est découvert mariage d’amour et élevé par sa mère dans l’horreur du péché mortel et la soumission à Dieu ?
La préparation au plein gouvernement de Louis IX est l’éclosion du sens politique de Blanche, de sa charité maternelle et de son pragmatisme à toute épreuve. C’est d’ailleurs au commencement de ces pages que l’on parle d’elle, non au travers de ses beau-père et mari ; mais d’elle à part entière. La mise en respect des turbulents duc de Bretagne, roi d’Angleterre et comte de Toulouse comme la lutte, pas souvent suivant les ordres pontificaux, contre l’hérésie n’ont d’origine que l’application du modèle politique cette reine-mère.
Blanche n’oublie jamais qu’elle est fille de Castille, d’un roi pieux et pleinement engagé de la Reconquista. Même après son installation dans le domaine royal de France, elle conserve une abondante correspondance avec ses sœurs Bérengère et Urraque, respectivement épouse du roi du Léon et du Portugal.
De plus, elle est très attaché aux ordres mendiants qui se sont constitués au début du XIIIe siècle, les dominicains emportant sa préférence. C’est une clef pour comprendre son zèle dans la croisade contre les Albigeois et le catharisme, proche de Paris, alors que celle en Orient semble n’être qu’un habile moyens d’éloigner les barons frondeurs.
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Cet entourage peut être complété par le légat Frangipani, apparaissant comme la caution pontificale de la politique de Blanche. Il faut également signaler Thibaud de Champagne, « comte conteur », dont les incessantes voltes-faces donnent des indices sur le pardon et la tolérance desquels Blanche a quelque fois usés.
► Un portrait littéraire de Blanche
Le dernier chapitre du livre de Minois s’attache à dresser, au-delà des épisodes chronologiques, un portrait littéraire de Blanche dont une seule représentation artistique nous est parvenue. Fille de roi, épouse, mère et gardienne d’un royaume qu’elle pleinement assimilé, elle doit être considérée en dehors de l’image pieuse que l’Histoire en garde, celle de la mère de Saint-Louis.
C’est peut-être le principal mérite de l’ouvrage : la dissociation des personnalités et le refus d’un calquage évident entre Blanche et son fils. Louis IX n’est pas le versant masculin de sa mère et se révèle sous la plume de Minois comme un bigot fanatique.
Les difficultés soulevées en introduction par Minois semblent cependant à moitié levées. Dans l’ouvrage, l’on parle beaucoup de Philippe-Auguste, moins de Louis VIII mais surtout de Saint-Louis. Le parti pris par l’auteur de séparer la mère de son fils dans une étude spécialisée est donc un demi-échec. C’est l’importance du règne de Louis IX qui est indirectement affirmée, lequel régnera encore plus de dix-sept ans après la mort de sa mère.
Benjamin RATICHAUX